LA FAUTE LOURDE EXISTE-T-ELLE

ENCORE ?

 

 

 

La faute lourde est la faute reconnue comme la plus importante dans la hiérarchie des fautes contractuelles et disciplinaires (Article L 521-1 code du travail ; Cass. soc. 9 juillet 1991, n° 89-41.890).

 

Elle se caractérise par l’intention du salarié de nuire à l’employeur. (Cass. soc. 22 octobre 2015, n°14-11291 ; Cass. soc. 22 octobre 2015, n° 14 -11801). Cette volonté du salarié de porter préjudice à l’employeur permet de distinguer la faute lourde de la faute grave dans laquelle le seul fait de commettre un acte préjudiciable à l’entreprise suffit à caractériser la faute. 

 

 Madame X, aide-soignante de nuit dans une maison de retraite est accusée par les résidents de ne pas avoir répondu à leurs appels entrainant des désagréments importants. L’employeur pourrait sanctionner cette salariée reconnaissant une faute grave au titre des négligences graves comme le fait qu’elle se soit endormie sur son lieu de travail. Dans l’hypothèse où Madame X causerait volontairement de mauvais traitements aux résidents dans le but de les inciter à quitter l’établissement et que son employeur en tire un préjudice financier, la faute lourde pourrait alors être caractérisée.

 

 Il faut cependant pour retenir une telle qualification prouver l’intention de nuire de la salariée, cet élément est par nature subjectif et donc difficile à prouver. Pour éviter un risque, en pratique,  le juge ne qualifie que très rarement la faute de l’employé de faute lourde et se contentera de la faute grave. De plus, le juge a tendance à qualifier de fautes lourdes que les fautes qui peuvent faire l’objet d’une incrimination pénale ou quand il s’agit de manœuvres de concurrence déloyale. Ainsi, la jurisprudence fournie quelques exemples de comportements qui ont été qualifiés de faute lourde par le juge comme :

 

  • Le directeur d’usine salarié qui s’est rendu coupable d’abus de biens sociaux en s’attribuant le bénéfice d’une prime représentant plus de six fois son salaire annuel dont il connaissait l’impact sur l’entreprise et le caractère irrégulier de la fixation (Cass. soc. 2 juin 2017, n° 15-28115) 
  • L'entrave à la liberté de travail comme le fait pour une personne de s'opposer à ce que des collègues effectuent leur prestation de travail comme le fait pour des grévistes de s'opposer au travail d'autrui, même pour une courte durée 
  • Des actes de violences sur des biens ou des personnes. Par exemple des menaces, injures ou actes de violence ou le fait de frapper un autre salarié qui refusait de s'associer à un mouvement de grève (Cass. Soc. 26 mai 1981, n 79-41623)
  • Un cadre commercial qui suspend les relations commerciales avec les principaux clients pour nuire à la qualité de service de son employeur et les inciter à contracter avec une entreprise concurrente que le salarié va rejoindre après son licenciement
  • Seule la faute lourde permet le licenciement par l’employeur d'un salarié gréviste (Cass. Soc. 8 juillet 2009, n°08-40139). Ce dernier devra prouver la commission ou la participation personnelle de ce salarié à la faute lourde sous peine de nullité de la décision de licenciement.
  • Seule la faute lourde permet à l’employeur d'engager la responsabilité du salarié afin de lui réclamer la réparation du dommage causé à l'entreprise (Cass. soc. 27 février 2013, n 11-28481)

 

Même si la définition de ces notions peut conduire à un risque de confusion, la faute grave et la faute lourde se distinguent quant à leurs effets :

Avant la loi du 8 août 2016, dite « Loi travail », seuls les salariés licenciés pour faute lourde ne bénéficiaient pas de l'indemnité compensatrice de congés payés pour la période de référence, quand bien même ces congés payés étaient acquis sur la période de référence en cours lors du licenciement. Une décision du Conseil Constitutionnel est venue supprimer cette déchéance des droits à congé payés puisqu’elle avait été jugée inconstitutionnelle et à de ce fait de nouveau rapprocher encore un peu plus ces deux notions et prive un peu plus l’intérêt pour l’employeur de choisir cette sanction ultime (Cons. const. 2 mars 2016, n° 2015-523 QPC Conseil d’Etat).

 

Hadrien Baudena