Un salarié abandonne son poste Le licenciement s'impose-t-il?
L'abandon de poste est un petit jeu à risque, pour le salarié qui s'y adonne, mais aussi pour l'employeur, toujours susceptible d'être condamné aux prud'hommes, s'il commet des erreurs dans sa réponse à cette désertion.
Un abandon de poste peut intervenir en pleine journée : le salarié, soudainement, quitte son poste, à la suite d'une conflit avec son supérieur, par exemple, ou parce que ses collègues l'indisposent, ou bien encore parce que ses conditions de travail ne lui plaisent plus. Il peut aussi s'agir d'un salarié qui, un beau matin, ne se présente tout simplement plus dans l'entreprise.
Attention, un salarié qui quitte son poste car il est soumis à un danger grave et imminent, n'est pas l'auteur d'un abandon de poste. Il exerce tout simplement son "droit de retrait".
Il faut faire la différence entre les cas extrêmes (le salarié quitte son poste inopinément alors qu'il avait par exemple à sa charge de jeunes enfants, les mettant en danger, ce qui autorise l'employeur à le licencier immédiatement pour faute grave), et les cas où l'abandon de poste n'entraîne pas de trouble extrêmement important. Dans cette dernière situation - qui est la plus fréquente -, l'employeur peut commencer par suspendre immédiatement la rémunération du salarié.
Une fois un délai de 48h passé, correspondant à celui dont dispose ce dernier pour lui envoyer un éventuel arrêt maladie, il peut alors lui écrire, en lettre recommandée avec accusé de réception, pour lui demander de justifier de son absence et de reprendre son poste. Si le salarié, au bout de deux ou trois jours après retour de l'accusé de réception, n'a toujours pas réagi, l'employeur peut engager à son encontre une procédure disciplinaire aux fins de licenciement pour faute grave.
Si dispatcher les tâches du salarié auteur de l'abandon de poste entre ses différents collègues n'est pas envisageable, l'autre solution consiste à recruter quelqu'un en intérim. Impossible de recourir à une embauche en CDI sur le même poste, pour procéder au remplacement. Car le salarié a beau avoir abandonné son poste, son contrat de travail n'est pas rompu. Il n'y sera mis un terme qu'au prononcé du licenciement.
Même si l'employeur est quasiment certain que le salarié ne remettra jamais les pieds dans l'entreprise, il ne doit jamais considérer l'abandon de poste comme une démission, et toujours engager une procédure de licenciement pour mettre fin au contrat. Parfois les salariés réapparaissent, et demandent, y compris par voie judiciaire, à réintégrer l'entreprise. On voit par ailleurs des tribunaux de prud'hommes condamner des employeurs à des dommages et intérêts parce qu'en "privant" le salarié auteur de l'abandon de poste d'une procédure de licenciement, ils l'ont empêché de s'engager auprès d'un autre employeur!
Si le salarié réapparait , soit l'abandon de poste est "humainement" compréhensible et le salarié réintègre son poste sans autre formalité. Soit l'employeur considère qu'il s'agit d'une faute et il peut engager une procédure disciplinaire, qui ne va pas forcément jusqu'au licenciement : l'avertissement, le blâme, ou la mise à pied, s'avèrent des sanctions plus légères.
L'abandon de poste est une technique parfois utilisée par des salariés pour pousser un employeur qui s'y refuse à engager une rupture conventionnelle. Mieux vaut ne pas céder et aller jusqu'au bout de la procédure disciplinaire. Une rupture conventionnelle après un abandon de poste ne garantit pas en effet que le salarié - surtout vu son profil peu "fiable" - ne va pas contester les modalités de rupture du contrat ou les conditions d'exécution de ce dernier.