La mauvaise foi d’un apprenti pour harcèlement moral ou sexuel peut-elle être prise en considération dans l’appréciation des éventuelles fautes ?
La dénonciation par un apprenti d'un harcèlement moral ou sexuel ne peut pas être prise en considération dans l'appréciation des éventuelles fautes commises par ce dernier de nature à justifier la résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage à ses torts, sauf en cas de mauvaise foi qui ne peut résulter que de la fausseté des faits dénoncés.
L’article L.1152-1 du Code du travail définit le harcèlement moral comme « des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Il faut des agissements répétés, et non un seul acte, isolé et grave.
Les agissements doivent être de nature ou susceptible de porter atteinte à la dignité ou à la santé du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Les conséquences de la dégradation des conditions de travail ne sont pas nécessairement effectives. La simple possibilité que celles-ci puissent se dégrader suffit à caractériser le délit de harcèlement moral. L’incrimination des agissements s’affranchit de la survenance du résultat.
La dénonciation des faits de harcèlement moral n’entraîne pas le licenciement sauf mauvaise foi du salarié
Un salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié ou même sanctionné pour ce motif, sauf mauvaise foi de sa part. La mauvaise foi ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis.
Ce principe résulte de l’application combinée des articles L 1152-2 et L 1152-3 du Code du travail.
La jurisprudence ne définit pas la mauvaise foi, mais il s’agit d’une intention malveillante par exemple du délateur, qui cherche à nuire à la réputation de l’entreprise ou de l’un de ses salariés.
Dans un arrêt du 28 janvier 2015 (Cass. soc., 28 janvier 2015, n ̊ 13-22.378), la Cour de cassation a illustré son propos s’agissant de la mauvaise foi du salarié délateur.
En l’espèce, une salariée avait été licenciée pour avoir dénoncé de façon réitérée de multiples faits inexistants de harcèlement moral ne reposant sur aucun élément, consistant en des accusations graves, voire calomnieuses et objectivement de nature à nuire à leur destinataire ainsi qu’à leur employeur.
La Cour de Cassation a confirmé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse.
Dans un arrêt du 10 juin 2015 (Cass. soc., 10 juin 2015, n° 13-25.554), c’est l’inverse : le salarié ne faisait pas preuve de mauvaise foi.
L’apport de ces arrêts provient de l’attendu de la Cour de cassation selon lequel la mauvaise foi ne peut résulter que de la connaissance de la fausseté des faits de harcèlement dénoncés.
Dans la première espèce, un employeur demandait la résiliation judiciaire du contrat de travail d’une apprentie, qui avait dénoncé des agissements de harcèlement moral et sexuel de la part de son employeur même. Les juges du fond donnent raison à l’employeur d’avoir sanctionné l’apprentie délatrice.
Pour la Cour d’appel, ces accusations infondées constituent une faute grave faisant obstacle à la poursuite de l'exécution du contrat d'apprentissage justifiant sa résiliation aux torts de l'apprentie.
Mais ce n'est pas du tout l'avis de la Cour de cassation, qui rappelle que "sauf mauvaise foi, la dénonciation d'un harcèlement moral ou sexuel ne pouvant être sanctionnée, ce motif ne peut être pris en considération dans l'appréciation des éventuelles fautes de l'apprentie de nature à justifier la résiliation judiciaire du contrat à ses torts ». Pour la Haute Juridiction, la mauvaise foi de l’apprentie dans sa dénonciation des agissements n’est pas caractérisée, "mauvaise foi qui ne peut résulter que de la connaissance de la fausseté des faits dénoncés" rappelle la Cour de Cassation.