Dans quelle mesure le salarié peut-il exprimer son désaccord concernant sa rémunération ?

Du désaccord sur la politique salariale à l’abus de la liberté d’expression, un choix doit être opéré par le salarié pour pouvoir se faire entendre et ne pas risquer le licenciement. La rémunération est un sujet qui peut donner lieu à des désaccords entre un salarié et son employeur. Rien n’empêche de les exprimer à condition toutefois de ne pas tomber dans l’abus de la liberté d’expression. (Cass. soc. 14 avril 2016, n° 14-29769 D) Un salarié avait envoyé une lettre à sa DRH contestant son mode de rémunération, en mettant en copie son supérieur hiérarchique. Estimant qu’il avait outrepassé la liberté d’expression consentie à chaque salarié, la société avait licencié l’intéressé pour faute grave. Le salarié soutenait qu’en dépit de leur véhémence, certains des propos contenus dans le courriel, adressé à la DRH, avec copie au seul supérieur hiérarchique, ne constituaient pas un abus de sa liberté d’expression. Selon lui, il s’était borné, sans attaque personnelle et dans le cadre d’une démonstration argumentée, à dénoncer le système de rémunération variable mis en place par l’employeur. La chambre sociale de la Cour de cassation n’a pas suivi le salarié dans son argumentation. La cour d’appel avait constaté que le salarié avait écrit à la DRH avec copie à son supérieur hiérarchique que le système mis en place par la société est « un système de tricheurs », « un système de voleurs », qu’il s’agit d’une volonté de bafouer délibérément le droit du travail, que l’insistance de la société démontre, s’il en était encore besoin, la nécessité impérieuse qu’elle a de « faire cautionner ce système inique par ses victimes », que la société« mérite mieux que ces pratiques plus que douteuses ». Dès lors, la cour d’appel avait exactement déduit que le salarié avait dépassé le cadre de l’expression d’un simple désaccord sur la politique salariale de l’entreprise et commis une faute justifiant son licenciement. Les juges ont démontré leur volonté de protéger le droit à l’expression des salariés. Néanmoins, comme toute liberté celle-ci se doit d’être encadrée afin de ne pas verser dans l’abus. Le salarié en question pouvait exprimer son désaccord concernant la méthode de rémunération mais il ne devait pas outre passer son droit et manquer de respect à son supérieur. La jurisprudence, souvent (trop) protectrice des salariés démontre ici sa volonté de protéger les droits et libertés avant tout et par conséquent défend l’employeur victime d’un langage désobligeant. L’employeur est alors dans son droit pour licencier son salarié pour faute grave s’il atteste du dépassement de la liberté d’expression.