LA NOUVELLE PROCEDURE DE CONTESTATION DE L’AVIS DU MEDECIN DU TRAVAIL DEVANT LE CONSEIL DE PRUD’HOMME EST-ELLE SATISFAISANTE ?

 

 

La loi du 8 août 2016 dite « loi Travail » a intégralement modifié la procédure de contestation par le salarié ou l’employeur de l’avis du médecin du travail s’agissant de l’aptitude du salarié a exercé ses fonctions. Avant son entrée en vigueur le 1er Janvier 2017, si l’on voulait contester l’avis d’aptitude, d’aptitude avec réserve ou encore d’inaptitude du médecin du travail, il fallait se référer à l’inspecteur du travail qui rendait une décision après consultation du médecin inspecteur du travail. Le problème résidait dans l’incompétence de l’inspecteur du travail dans le domaine médical car ce dernier n’avait pas accès lui-même au dossier médical du salarié

Depuis le 1er Janvier 2017, le salarié ou l’employeur qui veut contester l’avis d’inaptitude doit saisir, dans une procédure de référée, le Conseil de prud’hommes dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l’avis, pour demander la désignation d’un médecin expert. Le médecin expert désigné peut alors soit confirmer l’avis du médecin de travail, soit infirmer celui-ci.

Cependant cette nouvelle procédure de contestation laisse planer certaines incertitudes. Le premier problème réside dans l’encadrement un peu trop flou de cette nouvelle procédure. En effet la loi ne précise pas de nombreux points tel que : le délai de désignation du médecin-expert, le délai auquel est soumis ce médecin-expert pour prendre une décision, l’effet juridique de la décision du médecin-expert, la possibilité de contester la décision du médecin-expert. Dans l’ancienne procédure ces éléments étaient précisés, le délai pour prendre une décision était enfermé dans un délai de deux mois, la décision du médecin du travail se substituait à celle du médecin du travail et un recours contre cette décision était possible par un recours hiérarchique devant la juridiction administrative. Nul doute que la pratique jurisprudentielle va permettre d’éclairer ces zones d’ombres de la loi mais il arrive parfois que souplesse juridique rime avec manque de sécurité juridique.

Un autre problème réside dans la prise en charge des frais de justice et d’expertise lors de cette nouvelle procédure. Au préalable gratuite, le code du travail prévoit que le Conseil des prud’hommes peut décider de ne pas mettre les frais d’expertise à la charge de la partie « perdante » sous couvert qu’une action en justice n’est pas dilatoire ou abusive (Article L 4624-7 du Code du travail). Or dans une telle procédure, il apparaît légitime de se demander qui est « la partie perdante » ? Que ce soit l’employeur ou le salarié qui conteste l’avis du médecin du travail, l’erreur mise en lumière par la nouvelle expertise ne peut être que du fait de ce dernier et les deux parties devraient logiquement échapper a la qualification de « partie perdante »  car non responsable d’une telle décision.

De plus dans l’hypothèse où le salarié subit une décision de licenciement pour inaptitude sur la base de l’expertise du médecin du travail et que par la suite l’expert désigné par le Conseil des prud’hommes infirme cet avis d’inaptitude, le salarié pourra se prévaloir d’une action en contestation fondé sur son licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’employeur aurait donc tout intérêt à attendre l’issue de la procédure prud’homale pour appliquer la décision du médecin du travail or ce dernier est également tenu par un délai d’un mois à l’issue de la décision d’inaptitude initiale et est contraint de ce fait, s’il ne licencie pas le salarié, de reprendre le paiement de ce dernier durant la procédure prud’homale. Le décalage entre la décision initiale et sa contestation devant le Conseil des prud’hommes pose donc problème car bien que la procédure devant le Conseil prud’homal soit en référé, celle-ci peut tout de même durer plusieurs mois.

La nouvelle procédure de contestation a pour objectif principal l’amélioration du traitement des salariés en établissant un contrôle juridictionnel de la décision de l’inspecteur du travail. Cependant ce nouveau mécanisme pêche encore dans son encadrement et dans sa mise en place concrète en raison de la lenteur intrinsèque à la décision juridictionnelle qui, face à la vie pratique des employeurs, pose problème.

 

 

Hadrien BAUDENA